accueil LABORATOIRE DE PHYSIQUE DE CLERMONT AUVERGNE

En mémoire de Bernard MICHEL

C'est avec beaucoup de tristesse que j'ai appris le décès de Bernard. En tant qu'ancien Directeur du LPC et lui ayant succédé de 2004 à 2012 je voudrais témoigner de l'apport important auquel il a contribué pour notre laboratoire.
Tout d'abord en tant que chercheur CNRS et responsable de l'expérience ALEPH au CERN, qui a été la première grande expérience internationale à laquelle a participé le laboratoire.
Ensuite il a poursuivi avec le soutien et la mise en route de trois grandes expériences au LHC du CERN ce qui a fait du laboratoire en des rares de l'IN2P3 à participer à trois expériences sur les quatre du LHC.
Il ne faut pas non plus oublier son soutien au pluridisciplinaire et à l'informatique ce qui, sur le site clermontois et la Région, a donné plus de visibilité au laboratoire. Avec toutes mes condoléances à sa famille et mon amitié aux membres du LPC.

Je ne pourrai malheureusement pas être présent aux obsèques de Bernard mais je voudrais témoigner du rôle très important qu'il a joué dans mon activité scientifique et ma carrière. En février 2001, Bernard était directeur du laboratoire et il m'a autorisé à créer une équipe de recherche pluridisciplinaire adossée à une ferme de calculs pour la bioinformatique et l'imagerie médicale financée par le Fond National d'Aménagement du Territoire. J'étais à ce moment-là seul au laboratoire à travailler sur cette activité informatique à l'interface avec les sciences du vivant avec une doctorante qui avait démarré depuis seulement quelques mois. Bernard a vraiment ouvert la porte pour que cette thématique puisse émerger et se structurer au laboratoire et c'était vraiment visionnaire.

Merci Bernard, je te suis très reconnaissant pour cette porte que tu as ouverte.


Je reçois cette nouvelle avec beaucoup de tristesse
J'ai vraiment apprécié Bernard Michel aussi bien pour l'accueil qu'il m'a réservé au laboratoire que pour sa direction toujours aussi simple et efficace.

Amitiés à tous


Sans le connaître alors, j'ai entendu parler de Bernard depuis très longtemps, lorsque j'étais à l'Ecole Primaire. C'était en effet il y a bien longtemps, à l'époque où l'année scolaire se finissait avec la remise des Prix dans la grande salle de projection du cinéma Le Rexy, à côté du Collège Michel de l'Hospital où Bernard et moi étions scolarisés, dans la ville de Riom où nous habitions tous les deux. Prix d'Excellence, Prix de Tableau d'Honneur, Prix de Calcul, Prix de Gymnastique, d'Histoire, de Géographie enfin toute une liste de prix avec un premier prix, un second, un premier accessit, un second. On nous remettait à tous un fascicule ronéotypé avec le discours du professeur qui avait été chargé de le faire et la liste de toutes les élèves avec les distinctions qu'ils avaient reçues, classe par classe. Bernard était manifestement un très bon élève, qui figurait donc en bonne place dans le fascicule. Nous regardions cela un peu comme un catalogue de jouets à Noël. Je n'ai jamais vu Bernard recevoir ses Prix, une pile parfois impressionnante de livres que l'élève venait recevoir à l'appel de son nom avec l'énoncé oral de tous ses succès, car il était au Collège et la cérémonie des Prix n'était pas faites en même temps que celle de l'Ecole Primaire, mais j'avais entendu parler de lui. Puis j'ai changé d'école et je n'ai plus entendu parler de Bernard. Je l'ai revu en 1972, alors que j'étais assis au Bar le Carnot, au coin du bâtiment de l'Université où je séchais les cours d'Algèbre de première année de fac, alors que celle-ci n'avait pas encore pris ses quartiers aux Cézeaux. J'ai vu un grand gaillard en blouse blanche sur le haut des marches par lequel on accédait (et on accède toujours) au bâtiment. Je l'ai très bien reconnu. Il était sorti fumer sa cigarette. Il devait être en train de finir sa Thèse de 3eme cycle, à moins qu'il ne l'ait déjà achevée alors. Puis il est rentré et je ne l'ai plus revu avant plusieurs années.

Je suis rentré au laboratoire à l'été 1975, pour mon stage de DEA. Bernard n'y était plus ; il était alors au CEA de Saclay, au centre de L'Orme des Merisiers, où se trouvait l'accélérateur linéaire de Saclay dont les performances permettaient depuis peu de faire des expériences uniques en France ... une machine de classe internationale; pour les personnes intéressées il disposait d'un cycle utile élevé permettant de faire des expériences de diffusion des électrons avec détection des particules sortantes en coïncidence ce qui était nouveau. Bernard était alors financé par un contrat du CEA pour préparer sa Thèse d'Etat qu'il soutint en 1976 ou 1977. C'était une expérience moderne, à la pointe de la recherche, comme il n'en existait guère (« pas » serait plus juste) alors au laboratoire avec un accélérateur nec plus ultra et un très beau sujet de Physique. Sa Thèse d'Etat est très probablement dans le domaine de la physique subatomique à Clermont la toute première produite au laboratoire (pour sa Thèse d'Etat il était inscrit à l'Université de Clermont sous la direction de Jean-Claude Montret qui participait aussi à cette expérience en ayant impulsé la collaboration avec aclay sur ce sujet) la plaçant au niveau des très bons travaux comme on en faisait dans les meilleurs laboratoires français. Tous ceux qui ont participé à la cérémonie d'après soutenance de Thèse qui se poursuivait tard dans un petit restaurant de Ternant où le laboratoire avait ses habitudes en gardent un souvenir ému ! Bernard était rentré précipitamment de Saclay pour soutenir sa Thèse, il avait beaucoup travaillé, dans la précipitation pour tenir les délais et il était épuisé. Mais il est resté avec nous avec stoïcisme dans le costume qu'il portait pour la soutenance. Concernant sa façon de se vêtir je me rappelle d'une anecdote que Bernard m'avait racontée. Il était jeune, était habillé de manière élégante mais classique à une époque ou le jean prenait le pouvoir dans les laboratoires. Un collègue le lui avait fait remarquer à Orsay, avec un air un peu goguenard mais Bernard toujours maître d'un humour efficace et ciselé lui avait répondu « Je déteste les uniformes ».

Sans surprise Bernard fut recruté au CNRS comme chargé de recherche (l'équivalent de CR1 actuel) quelques mois après sa Thèse d'Etat en 1977 sauf erreur de ma part. Dans son travail de Thèse il avait mesuré le rayon du méson π ce qui était tout à fait original; cette particule était alors un élément essentiel des théories qui essayaient de formaliser l'interaction forte bien avant la chromodynamique quantique. Séjournant depuis plusieurs années en région parisienne il fut affecté au Laboratoire clermontois qui s'était alors engagé dans un projet de physique « à 2 photons » en collaboration avec le Laboratoire de l'Accélérateur Linéaire auprès du DCI (Dispositif de Collisions dans l'Igloo, nom un peu étrange j'en conviens) d'Orsay; Bernard, affecté à Clermont, travaillait donc de fait en permanence à Orsay et assurait un lien très utile entre les deux laboratoires, notamment pour ma propre thèse de 3ème cycle mais pas seulement bien sûr. Cette collaboration avec le Laboratoire de l'Accélérateur Linéaire d'Orsay engagée à Clermont par Jean-Claude Montret qui fut notre directeur de Thèse (3eme cycle et Thèse d'Etat) à tous les deux a initié toute une filiation de chercheurs et d'enseignant-chercheurs toujours très active au laboratoire ; Bernard a été un acteur marquant de ce projet, dans de nombreux secteurs de sa réalisation, mais il serait trop long d'expliquer tous les rouages auxquels il a participé aussi bien au niveau technique que de la physique sur ce projet qui était très difficile, mené avec des moyens limités avec peu de participants demandant un énorme investissement personnel à ceux qui contribuaient.

Au début des années 1980 se profilait le démarrage au CERN du collisionneur LEP, un projet tentaculaire à l'époque où il a vu le jour ; un projet en tout cas d'une dimension infiniment supérieure à tout ce qui avait pu être fait jusque là au laboratoire. Il focalisait la plus grande partie de l'effort européen de recherche dans le secteur de la physique des particules, avec des collaborations qui dépassaient largement les frontières de l'Europe. Il y avait un consensus au laboratoire de Clermont pour s'engager dans cette aventure qui paraissait un peu folle pour le laboratoire de l'époque. Restait à donner corps à ce consensus. Une large majorité des physiciens donnait une priorité à un engagement au côté du Laboratoire de l'Accélérateur Linéaire d'Orsay avec lequel nous étions en collaboration et où nous commencions à bénéficier d'une certaine reconnaissance pour l'ensemble des travaux que nous menions au DCI. La personne qui apparaissait la plus naturelle pour porter ce projet était Bernard Michel, unanimement apprécié à Clermont comme à Orsay, ayant montré ses qualités de chercheurs pour traiter les problèmes instrumentaux en lien avec les ingénieurs et les techniciens de notre laboratoire mais ayant aussi fait la preuve de ses autres qualités de physicien. Sur le plan humain, il faisait également l'unanimité. Il accepta de prendre cette responsabilité, sans trop savoir où cela le et nous conduirait. Parfaitement à l'aise, aussi bien du fait de ses qualités humaines que de ses compétences, pour travailler avec les Ingénieurs et techniciens du laboratoire, alors peu nombreux il assuma longtemps l'essentiel de la tâche incombant aux physiciens dans le projet LEP, les autres physiciens intéressés se consacrant à travailler sur les données accumulées à Orsay et qui s'avéraient très riches. Les années 1980 marquèrent en effet un virage important pour le laboratoire. Autrefois, le manque de forces faisait que les physiciens du laboratoire allaient de projet en projet, privilégiant la conception et la réalisation des instruments sans pouvoir ultérieurement en tirer la physique pour laquelle ils avaient en principe été conçus. DCI puis LEP furent d'une autre nature et il n'est pas contestable que c'est l'arrivée d'une nouvelle génération de chercheurs dont Bernard fut le premier et parfait exemple qui permirent de prendre cette nouvelle orientation. Sens des responsabilités, pour Bernard il n'était pas question qu'un engagement pris ne soit pas tenu ; mais il faut avouer que cela était la norme au laboratoire. Mais il le faisait avec un tempérament calme, une indéfectible gentillesse et un respect de tous que j'avoue avoir rarement vu dans notre milieu.

Puis en 1996 il devint directeur du laboratoire alors que commençaient tambour battant les projets sur le collisionneur LHC du CERN. Là encore, dans ses nouvelles fonctions, à une époque délicate il a su utiliser ses qualités humaines pour gérer des situations qui auraient pu devenir très compliquées et c'est principalement son respect des personnes qui a été un atout majeur pour y parvenir. En 1999 je partirai sur Montpellier vers d'autres aventures pour revenir en 2012 prendre à mon tour la direction du laboratoire de Clermont. Je retrouvai alors Bernard Conseiller auprès de Monsieur le Préfet pour les questions de recherche, parfaitement au fait des méandres administratifs et des enjeux régionaux, nationaux et européens en la matière. Nous avions naturellement à nouveau de fréquentes discussions toujours très agréables !

Je n'ai pas évoqué les fins d'après midi au Bar des Chambrette en compagnie de Bernard Coupat où Bernard ne manquait pas de se rendre quotidiennement pour boire avec son bon copain un verre d'Oxygéné (boisons anisée d'orthographe incertaines) en alignant d'innombrables parties de flipper. Nous l'y accompagnions assez fréquemment et étions spectateur de ce spectacle qui pouvait parfois prendre un tour des plus comiques ! Bernard ne maquait jamais « d'offrir sa tournée » ! C'était à l'époque de la préparation de LEP. Ensuite il rentrait dans son appartement, à Chamalières, près du Carrefour Europe. Je m'y rends encore parfois car dans les pelouses de cet immeuble poussent des orchidées. Je ne manque jamais alors d'avoir une petite pensée amicale à Bernard et je pense que cela continuera.

Je ne pourrai me rendre à ses obsèques, étant loin de l'Auvergne à ce moment là. Veuillez transmettre à sa famille et à ses proches tous mes sentiments les meilleurs à la mémoire de Bernard.

Ps : Je vous prie de m'excuser pour les éventuelles fautes de frappe et d'orthographe... je n'aurais plus le 1er Prix en la matière !